Page principale de Marc Dufour Rail & transports urbains La ligne
Montréal_ Deux-Montagnes
 

La ligne
Montréal_Deux-Montagnes &
le réseau ferré de banlieue
  Un voyage dans la
cabine d'une Z-1-a
  Derniers jours du vieux
matériel roulant
Nouveau matériel roulant   Premier voyage dans
le nouveau atériel roulant
  Article paru dans la revue
Connaissance Du Rail

Un voyage vers Val-Royal dans la cabine d'une vieille Z-1-a.

La reconstruction de la ligne de Montréal_Deux-Montagnes a duré deux ans; ou plus précisément deux étés. C'est à dire que la ligne a été fermée durant deux étés de suite, soit l'été 1994 où la voie a été remise à neuf, puis l'été 1995 qui a vu la ré-électrification qui est passée de 3000 volts continu (une technologie datant du début du siècle, conçue pour le chemin de fer minier du Butte, Anaconda & Pacific).
    Les ferrovipathes qui venaient déjà depuis très loin en pelerinage se sont bien sûr passés le mot, et n'ont rien manqué des dernières semaines d'exploitation avant la première fermeture et d'en mitrailler tous les détails sur tous les angles...
À gauche : Nous allons passer sur le croisement avec la subdivision de Saint-Laurent, à Jonction-de-l'Est.

    Comme d'habitude, je me pointe à la gare Centrale au départ du train qui quittait à 16h30 pour aller à Val-Royal, d'où, retournant sur la boucle du triage, il revenait haut-le-pied à Montréal, ce qui permettait aux vieilles locomotives de se délier les jambes sérieusement, aucun arrêt n'étant effectué...
    Donc, nous partons de la Gare Centrale et gravissons avec peine la longue rampe de 5 kilomètres du tunnel Mont-Royal dans le concert de grognements des engrenages des moteurs de traction, bercés par le roulis régulier causé par l'affaisement des joints dans les rails. Dès la fin de la courbe précédent Grotto (où se trouvait un croisement - cette gare a été abolie lors de la reconstruction de 1995, et le croisement déplacé à l'autre extrémité du tunnel) et à la fin du tunnel double, nous aperçevons l'autre extrémité du tunnel, à Portal-Heights, à plus de quatre kilomètres.
    Passé Grotto, le mécano enclenche les crans un à un, et nous prenons péniblement de la vitesse. Notre rame n'est pourtant pas très longue: six voitures de grandes-ligne construites en 1954 pour le CN et qui ont échu à VIA Rail en 1977, puis qui ont été rachetées par la STCUM pour remplacer les antiques bagnoles datant des années-20 et qui assuraient les trains tirés par des locomotives...
    Nous marquons un arrêt à Portal-Heights (renommée "Canora", en l'honneur du Canadian Northern Railway qui construisit le tunnel entre 1914 et 1918, et accessoirement de la rue adjacente), juste après la sortie du tunnel. Puis nous repartons vers Mont-Royal, quelques centaines de mètres plus loin, où un plus grand nombre de banlieusards descendent.

À droite : Passé le croisement et juste avant la gare de Vertu, se trouve la sous-station qui alimentait la partie nord de la ligne en 3000 volts continu.

    Nous repartons, et après avoir traversé les demeures cossues de Ville-Mont-Royal et passé sous le Boulevard Métropolitain, nous traversons le parc industriel de Saint-Laurent, juste avant d'arriver au croisement de Jonction-de-l'Est, là où la subdivision de Mont-Royal (où nous circulons) traverse la subdivision de Saint-Laurent, qui relie Montréal à la Mauricie (La Tuque), à l'Abitibi (Parent, Senneterre) et au Lac-Saint-Jean (Jonquière).
    Juste après le croisement, nous longeons la sous-station de Vertu, qui fournissait le courant pour la partie entre Vertu et Saraguay (la partie au sud de Vertu était approvisionnée par la sous-station de la Gare Centrale, et la partie au nord de Saraguay par la sous-station de Saraguay). Aujourd'hui, seul subsite une portion de la clôture entourant la sous-station...
    Les sous-stations employaient des redresseurs à vapeur de mercure; le dernier souffleur de verre à l'emploi du CN a pris sa retraite vers 1983; juste avant, le CN lui a fait souffler un lot de cuves suffisant pour durer jusqu'à la fin... Et pour les roues à rayons des locomotives, il a même fallu aller les chercher jusqu'en Chine, qui fabrique encore des locomotives à vapeur...

À gauche : À la gare de Vertu, deux ferrovipathes forment le comité d'accueuil.
    Nous arrivons à la gare de Vertu (renommée Montpellier, ce qui n'est pas très clair, car l'avenue Montpellier est parallèle à la ligne à quelques centaines de mètres à l'ouest. Sans-doute voulait-on éviter une confusion avec la station de Métro "Vertu", mais comme il y a une gare "Mont-Royal" et une station de Métro "Mont-Royal", fort distantes, cette analyse ne tient pas...), où deux ferrovipathes sur le quai opposé nous mitraillent... Les occupants des maisons riveraines ne s'occupent pas de nous; le mécanicien me raconte qu'un jour, une femme leur crie depuis son balcon de ne pas faire sonner sa cloche, pour ne pas faire peur à sa perruche qui s'est sauvée et s'est perchée sur la caténaire... Bien évidemment, il s'est fait un point d'honneur de non-seulement faire sonner sa cloche, mais aussi de donner deux coups de sifflet, bien conformément à la règle 14b-ii...
À droite : La gare de Monklands était située juste avant le passage à niveau de l'avenue O'Brien; son quai était minuscule, au point de friser le ridicule...
    Mais pas de perruche aujourd'hui, et nous reprenons la route, vers la prochaine gare. Peu après Vertu, la ligne tourne gentiment vers l'ouest. Au milieu de la courbe, sera établie la nouvelle gare de Du-Ruisseau; mais pour l'instant, rien n'y trahit les changements à venir. Au delà de la courbe, les minuscules quais de la gare de O'Brien se serrent contre le passage à niveau, où nous marquons l'arrêt sans toutefois l'obstruer, ce qui fait qu'un grand nombre de voyageurs descendants nous passent sous le nez malgré que les barrières soient baissées...
    Entre les deux voies sont déposés les nouveaux long rails soudés qui seront prochainement installés à la place de l'horrible et bringuebalante voie à joints qu'était jusqu'en 1994 la ligne de Deux-Montagnes. Les prochains travaux verront le renouvellement complet de la plateforme de la voie, du ballast, des traverses, et naturellement, des rails.
    Au dessus de nos têtes, la caténaire pendouille tranquillement entre les poteaux de bois, alimentée ça et là par un feeder négligement tiré. Malgré son zig-zaguement, point de grandes vitesses ici, car ce zig-zaguement n'est que l'effet du hasard de l'usure de l'assise des poteaux en bois et fils de de suspente...
À gauche : Malgré le passage à niveau, les indigènes traversent en pleine voie... Au fond, remarquez le phare de la rame nous précédent.
    Au-delà du passage à niveau, quelques indigènes totalement indifférents à notre présence traversent la voie vis-à-vis de la prochaine rue, tandis qu'un autre piéton, plus discipliné (ou voulant profiter du spectacle très commun du passage d'une locomotive de 80 ans), attend sagement la réouverture du passage à niveau...
    Au loin, on aperçoit le phare du train qui nous précède: une rame automotrice en pleine manoeuvre de retournement et dont le phare arrière est demeuré allumé (mais tant que les fanaux arrières sont allumés, il n'y a pas de problème). Malgré cela, nous reprenons notre chemin, sans toutefois rouler trop vite en raison du ralentissement (signalé par les drapeaux jaunes au delà de la gare de Grenet, juste après le passage à niveau) motivé par les travaux du viaduc au dessus de la rue Grenet.
À droite : Nous arrivons à Val-Royal, alors que la rame nous précédant manoeuvre sur la voie principale. (Les deux poteaux munis d'affichettes à points blancs superposées sont des instructions pour les chasse-neiges et déboudineurs leur indiquant de relever leur lames en raison de la présence de traversées de voies – oui! Il y en a bien 9!!!).
    Nous roulons donc tranquillement, vers la prochaine gare: Val-Royal. Au loin, la rame se tortille tranquillement sur les aiguillages de la gare. Et nous passons à très petite vitesse sur le chantier du remplacement du viaduc de l'avenue Grenet.
    Ce viaduc a dù être totalement remplacé, car il était d'une longueur (je devrais plutôt dire "courteur") ridicule. C'est qu'à l'origine, c'était là où passait la voie du Montreal Park & Island, ligne de tramway construite entre 1895 et 1901 pour desservir Cartierville (le quartier au nord de la gare de Val-Royal).
    Ce viaduc était tout juste assez large pour laisser passer deux tramways de front, et lors de la fermeture de la ligne de Cartierville, vers 1955, les voies ont été enlevées et l'emprise pavée afin de livrer passage à la rue Grenet. Mais le viaduc était si étroit qu'il n'y avait pas de place pour un trottoir, et les piétons étaient contraints de monter sur le quai de la gare et de traverser les voies!!!
    Le chantier consiste présentement en quelques ponts temporaires destinés à livrer le passage aux trains lors des travaux d'excavation. Durant l'été, quand la circulation des trains de banlieue sera interrompue, une seule voie subsistera, afin de laisser le passage aux trains de marchandises qui desservent le nord-ouest de l'île de Montréal, sur l'embranchement Downey, ainsi que l'usine de Canadair, dont l'embranchement se greffe dans la boucle du triage de Val-Royal.
À gauche : Le chantier du remplacement du viaduc de l'avenue Grenet. Notez aussi la verdure qui s'épanouit sur le ballast de la ligne...
    À gauche, le bâtiment-voyageurs de Val-Royal se dresse encore, mais ses jours sont comptés. Il ne survivra que quelques heures au passage du dernier train, douze mois dans le futur. Pour l'instant, il est toujours là, témoin d'un autre âge, avec son charme rural vieillot, son poêle, son vieux bureau du télégraphiste et le guichet exigù ou, temps oblige, on peut se procurer les seuls titres de transports valides sur la ligne, des billets servant aussi dans les autobus et le Métro...
    Nous entrons en gare de Val-Royal, mais pas complètement: il faut s'arrêter à presque une centaine de mètres de l'extrémité du quai, car nous devons prendre l'aiguillage qui nous permettra de changer de voie juste avant l'entrée du triage de Val-Royal, où se trouve la boucle.
À droite : Le comité d'accueuil de Val-Royal enregistre notre arrivée pour la postérité!
    Nous stoppons donc devant un autre comité d'accueuil composé de quelques ferrovipathes mitraillant notre train au moyens de divers instruments optiques et un ouvrier qui semble se demander quelle mouche a piqué les photographes...
    Les passagers descendent, et nous passent sous le nez, tandis que le chef de train s'en va en gare chercher les papiers l'autorisant de retourner à Montréal, et le serre-freins s'en va tourner les aiguillages du croisement et de la voie d'accès au triage. Pour des raisons d'encombrement, les leviers des aiguilles sont situés à ras le sol; comme ils ne sont pas munis de la table de verrouillage des leviers d'aiguillages ordinaires, ils sont également munis d'un contrepoids (ce type d'aiguillage est le seul qui dispose d'un contrepoids sur un levier d'aiguillage), ce qui rend leur manoeuvre plus difficile. On se doute que le serre-freins peste contre le fait qu'il doit se baisser et qu'il risque de salir son bel uniforme...
À gauche : Puis on s'engage sur la boucle. Les deux cercles blancs superposés, entre les deux voies indiquent la présence de deux aiguilles à ressort. À droite se trouve l'amorce de l'ancien embranchement vers Cartierville (3 km au nord de Val-Royal. Il a été réduit à sa plus maigre expression quand le service vers Cartierville a été coupé en 1982, et à la fin ne servait plus qu'à retourner les rames automotrices); qui est rempli de matériel d'entretien de la voie, ce qui force l'automotrice à occuper la voie principale pour s'en retourner à Montréal.
    Les derniers aiguillages convenablement orientés, nous nous engagons d'abord sur le croisement, oû nous nous retrouvons momentanément face à face avec la rame automotrice qui attend sur la voie principale plutôt que dans le moignon de l'ancien embranchement de Cartierville, car ce dernier est occupé par la machinerie qui effectuera le renouvellement de la voie.

À droite : Le mécano a en guise de pare-brise une petite fenêtre d'environ 40 cm par 80... L'énorme cadran visible en haut à gauche de la photo n'est pas l'indicateur de vitesse, mais l'ampèremètre. Dans ces vieilles machines, aucun indicateur de vitesse; il faut croire qu'il est plus important de connaître l'intensité du courant que sa vitesse...
    Le triage, lui, est plein de trains de travaux, dont un train-dortoir (les wagons blancs). C'est que changer une trentaine de kilomètres de voie, ça prend beaucoup de ballast et de traverses!. Nous roulons à petite vitesse sur la boucle, tandis que la rame automotrice fait le plein de passagers et retourne vers Montréal.
À gauche : De retour à Val-Royal.
    Revenus à Val-Royal, une autre automotrice a eu le temps d'arriver de Montréal. Mais celle-ci continuera vers Deux-Montagnes. Elle attend sagement que nous libérions le passage (la voie de sortie de la gare est si insuffisamment éloignée de la voie d'entrée du triage que l'occupation de l'une engage le gabarit de l'autre).    

À droite : Le serre-freins attend que nous soyons passés pour remettre l'aiguillage en position normale, tandis qu'au loin, une rame automotrice se déleste de quelques voyageurs.
À gauche : Le mécanicien de l'automotrice a fait exprès de s'arrêter en bloquant le passage pour piétons, afin qu'ils attendent notre passage avant de traverser... Les aiguillages du croisement ont également été remis en position normale.
    Nous roulons tranquillement vers le bâtiment-voyageurs, pour y marquer un arrêt où l'équipe de la locomotive recevra les feuilles de libération lui donnant l'autorisation de remettre le cap sur Montréal.

À droite : Nous roulons déjà à belle allure juste avant de franchir le passage à niveau de l'avenue O'Brien.
    Ceci fait, nous repartons. Passé le chantier, nous reprenons tranquillement de la vitesse, et nous roulons à environ à 60 km/h quand nous passons à la gare de Grent, juste avant Monklands, que nous avalons sans arrêt.  
À gauche : Puis c'est Vertu, vide de tout voyageurs ou ferrovipathes.
    Nous passons la grande courbe, puis roulons franchement vers Mont-Royal. Nous devons friser le 80 km/h! La grande vitesse n'est pas loin! Nous dévorons la grande courbe, puis filons vers le sud, en passant à Vertu, dont les quais sont absolument déserts de voyageurs, ferrovipathes ou perruches.
À droite : Jonction-de-l'Est.
    Puis, après la sous-station, le croisement à Jonction de l'Est est avalé dans un grand claquement de roues, puis c'est la traversée du parc industriel...

À gauche : Droit devant nous, se dresse le Mont-Royal

À droite : La cabine est un très bon endroit pour examiner la caténaire.
    Je profite de ma position... avancée pour jeter un coup d'oeil sur la caténaire, qui malgré sa rusticité, est tout de même assez complexe: feeders, câble porteur, sous-câble porteur, et aussi divers rupteurs de section installés partout où un croisement mène d'une voie à l'autre.

À gauche : On repasse sous le Boulevard Métropolitain
    Puis je constate que le phare de la locomotive vait saillie vers l'avant. Si ce phare avait abouti sur une locomotive à vapeur, il n'aurait certainement pas eu une telle longévité. Maintenant, tout comme pour le reste de la locomotive, l'heure de la retraite a sonné, et tout ce beau monde se la coule douce dans un des hangars du Musée Ferroviaire Canadien...

À droite : Deux amoureux prennent le temps de regarder passer notre train, sur l'oeil vigilant du phare de locomotive à vapeur qui orne notre locomotive.
    J'en profite donc pour le faire figurer sur plusieurs photos, alors que nous traversons Ville-Mont-Royal, la "cité modèle" qui fut établie au début du siècle parce que reliée au centre-ville par le train rapide du CaNoRa... En fait, les profits de l'opération immobilière du lotissement des quelques terres agricoles de la Côte-de-Liesse achetées à vil prix devaient servir à financer la construction du chemin de fer transcontinental du CaNoRa, mais les sommes furent surtout englouties dans la construction du Tunnel Mont-Royal, ouvrage d'art d'une envergure démesurée sur 5 maigres kilomètres, compte-tenu de la rusticité qui affligeait les quelques autres milliers de kilomètres de la ligne...
    Hélàs, les prévisions des promoteurs s'avéraient n'être qu'un château en Espagne, et la faillite du Canadian Northern Railway allait devenir le précurseur des actuels Chemins de Fer Nationaux du Canada, qui allait devenir ce qu'il est aujourd'hui lors de la faillite du Grand-Trunk en 1925.

À gauche : La voie en déblai se prépare à pénétrer sous le Mont-Royal.

À droite : Au dessus du portail béant du tunnel Mont-Royal, passe la rue Jean-Talon, et la subdivision d'Adirondack du St-Laurent & Hudson (ancienne maison Canadian Pacific).
    La gare de Mont-Royal passée, nous voyons se profiler à l'horizon le noir portail de Portal-Heights, où notre train s'engouffera dans les entrailles du Mont-Royal, pour rallier en dix minutes le Centre-Ville.
    Car si l'histoire des chemins de fer transcontinentaux les mènent soit vers la faillite, soit vers la prospérité, leur géographie, elle, ne change pratiquement pas...

 Fin de la page  Commentaires? Marc.Dufour@emdx.orgStatistiques d'accès