Page principale de Marc DufourRail et transports urbains

Le turbotrain UAC

Au début des années 60, le gouvernement américain, conscient de l'accroissement de la circulation dans le corridor du nord-est (Boston_New-York_Washington), s'inquiète de la saturation probable de l'espace aérien. Naît alors le Northeast Corridor Improvement Project - (NECIP).
    Au cours de ce programme, sous l'égide du department of commerce (DOC) (Ministère du commerce, ancêtre du ministère des transports actuel (DOT), virent le jour plusieurs expériences ferroviaires toutes aussi intéressantes les unes que les autres, dont un autorail standard équipé de... moteurs à réaction...
    La fusion, en 1967, des rivaux Pennsylvania Railroad - (PRR - The Standard Railroad of the World) et New-York Central System - (NYC - The Water Level Route) en dit long sur l'état pitoyable des transports ferroviaires à cette époque. Forcé d'incorporer le New-York, New-Haven & Hartford Railroad (NY,NH&HRR) en banqueroute, le géant ferroviaire ainsi formé ne survivra pas à la faillite quasi-inévitable.
    La banqueroute du Penn Central fait encore frémir, rien qu'à son évocation...
    Au cours du NECIP, le DOC finança la construction de matériels roulants révolutionnaires. La portion Washington_New-Haven était déjà électrifiée, il fut décidé de construire des automotrices électriques aptes à la vitesse de 256 km/h. Ce furent les légendaires "Metroliners", dont le nom subsiste comme synonyme de service rapide de luxe chez Amtrak, mais dont plusieurs ont été dé-motorisées pour être converties en voitures-pilotes ou même carrément exposées dans un musée ferroviaire.
    Sur les lignes entre New-Haven et Boston, non-électrifiées, fut choisi la propulsion à turbine. Forte de l'expérience des trains TALGO (expérimentés avec plus ou moins de succès aux États-Unis dans les années 50 - un train TALGO roule d'ailleurs actuellement sur le réseau d'Amtrak, desservant la côte Pacifique des États-Unis), la société United Aircraft proposa une rame automotrice ultra-légère, elle aussi apte à 256 km/h.
    La rame américaine était composée de deux motrices et d'une remorque suspendue entre les deux axes uniques des motrices, dont la traction était effectuée par un bogie (l'arrangement était B-1+1-B). La chaîne de traction faisait appel à des turbines Pratt and Whitney PT-6 de 500 chevaux chacune, et une transmission hydraulique avec réducteurs mécaniques. Un moteur de traction, alimenté par un frotteur pour troisième rail (600V), permettait de se passer des turbines dans les tunnels desservant les gares new-yorkaises de Pennsylvania Station (PRR) et de Grand-Central Terminal (NYC et NY,NH&HRR).
    L'aménagement intérieur de la rame était novateur: fort de la popularité des voitures panoramiques à dôme, si populaires dans l'Ouest américain, mais interdites au nord-est (en raison du gabarit moins généreux), le Turbo UAC permettait une utilisation très rationnelle de l'espace à bord: la mécanique était tout simplement installée sous le compartiment voyageur du dôme, un peu à la façon des autorails panoramiques de la SNCF (X-4200), et les cabines de conduite n'étaient séparées des voyageurs que par une vitre, ce qui permettait aux passager de jouir d'une excellente vue en avant.
    L'intercirculation était possible entre deux rames accouplées ensemble. Le nez recélait un couloir de communication, et l'extrémité du nez pouvait s'ouvrir pour dévoiler un soufflet (de la même manière que certaines rames hollandaises) et un attellage absolument compatibles avec le matériel roulant conventionnel. La suspension TALGO avait été améliorée par un dispositif de pendulation passive, activé par la force centrifuge exercée sur les voitures par les courbes.
    Dans l'esprit habituellement canadien de copier tout ce qui se fait aux États-Unis, le CN décida de faire mieux. Plusieurs rames de 11 voitures (2 motrices, 9 remorques) furent commandées pour assurer la liaison Montréal_ Toronto. L'inauguration, survenue en 1967, fut marquée par une collision avec un camion à un passage à niveau...
    Mais hélàs, les ennuis techniques à répétition retardèrent l'entrée en service jusque dans les années 1970, où le Turbo assurait un service de manière relativement régulière, jusqu'à sa mise en retraite au début des années 1980, quand les rames pendulaires LRC sont entrées en service. La vitesse commerciale n'a jamais dépassé 170 km/h, malgré un record de vitesse de 230 km/h réalisé en 1974. (Une rame LRC a depuis roulé à 272 km/h en 1981).
    Une rame rachetée par le transporteur américain AMTRAK avait été détruite lors d'une collision à Montréal au début des années 70, alors qu'elle allait être livrée...
    Mais, hélàs, le confort à bord laissait à désirer. La suspension et la pendulation passive transmettaient aux voyageurs leur lot de vibration et de roulis, et une excursion aux toilettes devenait un exploit forçant son perpétrateur à se servir de sa tête pour faire autre-chose que réfléchir!!! Au moins, les heureux voyageurs occupant le dôme derrière la cabine de conduite pouvaient voir quand allaient arriver les courbes, et avaient donc le loisir d'empoigner leur verre avant que la rame se mette à danser...
    Il fut ferraillé à la fin des années 1980, boudé par les musées ferroviaires canadiens, alléguant sa "non-canadiennité", alors que c'est au canada qu'il a roulé le plus.
    Voici donc trois documents découverts par hasard, provenant du service de linguistique du CN, illustrant ce défunt train.


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